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Mieux que personne je sentais la vérité de ces remontrances, mais trop d’intérêts étaient maintenant en jeu pour que je pusse hésiter un instant dans la marche que je m’étais tracée.

Néanmoins, je le reconnus avec tristesse, le prince et sa femme éprouvèrent pour moi du refroidissement ; je perdis beaucoup dans leur esprit : ils me trouvèrent faible, sans dignité. Ils souffraient véritablement et avec raison de me voir renoncer à leur intimité protectrice, qui m’avait été d’une si grande consolation, pour aller retrouver un homme qu’ils méprisaient, qu’ils haïssaient de tout le mal qu’il m’avait fait, et dont ils m’avaient pour ainsi dire moralement séparée. Enfin ils regrettaient de s’être intéressés à des chagrins que j’oubliais moi-même si promptement.

Ainsi qu’à ces amis à la fois justes et sévères, je dis à madame de Richeville que la pitié seule me rapprochait de M. de Lancry… — Hélas ! c’était seulement aux yeux de l’homme que j’aimais et que je respectais le plus au monde que j’avais dû feindre un honteux amour pour mon mari.