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Sa première émotion passée, il me regarda fixement ; alors il s’aperçut seulement des ravages que la douleur avait laissés sur mes traits.

Après m’avoir un instant contemplée avec l’expression de l’intérêt le plus touchant, il me dit tristement :

— Je le vois… cette résolution vous a coûté beaucoup… je le conçois… je suis fier d’avoir triomphé dans cette lutte… Oh ! par combien de tendresses je vous ferai oublier ces larmes… les dernières que vous verserez jamais, Mathilde !

— Je voulais…

— Oh ! non — dit-il en m’interrompant avec la volubilité du bonheur — ne me dites rien, ne me parlez pas… laissez-moi vous contempler, vous admirer avec la jalouse, avec la sauvage convoitise de l’avare pour le trésor qu’il possède enfin… laissez-moi savourer à longs traits cette idée… que cette femme qui est là… que cette femme est à moi, que c’est l’épouse idéale de mes rêves d’enfance et de jeunesse… Laissez-moi me dire… celle que les hommes, que les événements, que sa volonté semblaient