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rencontrée dans ma vie, s’il m’était possible d’aimer une autre personne que vous, son amour eût été mon plus cher trésor… Mais l’amour par pitié… est-ce digne d’elle ? est-ce digne de moi ? Tout mon espoir est que vous vous abusez peut-être sur le danger que court cette malheureuse enfant… En tout cas j’arrive… Et sa mère… notre meilleure amie… Oh ! je ne sais quelle fatalité me poursuit. »

En songeant à l’atroce interprétation que l’on donnait à cette lettre aux yeux d’Emma, aux soupçons qu’elle éveillait en elle, aux apparences que l’on calomniait, en songeant aux chagrins que cette malheureuse jeune femme avait déjà ressentis lors de la révélation du secret de sa naissance, on comprend qu’elle dut être frappée d’une mortelle atteinte ; concentrée dans son muet désespoir, l’infortunée n’avait voulu instruire personne du dernier tourment qui la tuait.

On voyait aux plis presque déchirés et à l’usure de cette lettre qu’Emma avait dû la lire et la relire bien souvent, et s’infiltrer ainsi goutte à goutte ce poison mortel.