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riez-vous donc pas désolée de quitter ceux qui vous aiment, de quitter la vie ?…

— Oh !… oui, je serais désolée de quitter madame de Richeville, vous ; mais la vie… je ne la regrette pas.

— Et pourquoi cela ?

— Parce que… sans raison… oh ! sans aucune raison, je me sentais chaque jour plus malheureuse… Tout devenait sombre autour de moi… toutes mes pensées se brisaient contre un obstacle invisible.

— Mais avant d’être ainsi malheureuse ?

— Oh ! dit-elle en joignant ses deux mains, et en levant au ciel ses beaux yeux rayonnant d’une sorte d’extase, de ressouvenir — oh ! avant cela il me semblait que je devais vivre toujours, le temps passait comme un songe béni, j’avais les idées les plus riantes… J’étais si heureuse… si heureuse, qu’il me semblait qu’un jour… je retrouverais ma mère… quoique je susse qu’elle était morte…

— Et au couvent, étiez-vous aussi heureuse, chère enfant ?…

— Au couvent, c’était un autre bonheur, c’était l’amitié de mes compagnes, la bonté de