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compter dans votre vie ; de mon côté, pourquoi vous le cacherais-je ? chaque jour resserre les liens qui m’attachent à M. de Lancry, autant qu’il le peut il répare ses torts passés : ainsi, vous le voyez, mon ami, nos rêves d’autrefois sont, hélas ! devenus ce que deviennent les songes… Ainsi que vous le dites, vous conserverez toujours de moi ce souvenir mélancolique qui survit aux êtres qui ne sont plus… J’aurai toujours pour vous la plus affectueuse amitié… la plus profonde estime… Mais maintenant nos deux existences ont des buts différents, et chaque jour nous séparera davantage… Quel avenir vous reste-t-il donc ?

— L’avenir le plus triste… — vous le savez.

— Et c’est un pareil avenir que vous hésitez à engager… à sacrifier, si vous voulez, lorsque ce sacrifice peut sauver la vie d’Emma ?

— Pour elle, il vaut mieux mourir que d’être enchaînée à une âme flétrie.

— Mais qui vous dit que la généreuse chaleur de ce jeune cœur ne ranimera pas votre âme, que vous croyez à jamais refroidie ?

— Cela est impossible, Mathilde, je le sens, je n’aimerai plus.