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seraient… mais plus âcres, mais plus brûlantes encore…

« Tu ne sais pas les religieuses voluptés de la douleur ! Tu ne sais pas comme on souffre et comme on jouit à la fois, en se disant, le cœur brisé, les yeux noyés de larmes, les lèvres tressaillantes de sanglots : Je suis bien malheureuse, oh ! bien affreusement malheureuse !… mais au moins ils sont heureux… ceux-là pour qui je souffre tant…

« Oh ! oui… sois fière de cet amour, au nom duquel tu vas t’immoler… Sois-en fière… c’est ton premier, ton seul, ton noble amour. Vois les pensées qu’il t’inspire, vois ce que tu ressens, au lieu d’une jalousie grossière comme celle qui autrefois t’animait contre Ursule…

« Qu’éprouves-tu pour Emma ? Les plus hautes, les plus touchantes aspirations… Elle meurt d’amour pour celui que tu chéris… tu vas arracher ce pudique secret à ses lèvres défaillantes… tu renonceras toi-même en sa faveur à ton rêve d’or, à ton ciel.. et tu n’as pour Emma que des larmes de tendresse et de pitié.