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me dit-elle — je vous connais, et permettez-moi de vous le dire, je vous aime depuis que j’ai entendu parler de vous par ma chère Amélie (c’était le nom de baptême de madame de Richeville) ; moi et ses amis, qui sont aussi les vôtres, nous l’engagions toujours à hâter votre retour à Paris. À votre âge une vieille grand’mère peut vous dire cela, à votre âge la solitude est dangereuse ; en s’isolant de toute affection, on finit malgré soi par soupçonner le monde d’égoïsme ou d’insensibilité. Mais je vous assure qu’il n’en est rien ; j’ai toujours vu les plus touchantes, les plus nobles sympathies aller avec bonheur au-devant des nobles et des touchantes infortunes.

— Et moi, Madame — me dit gaiement la comtesse de Semur avec sa vivacité cordiale, — dût-on m’accuser de paradoxe comme on m’en accuse souvent, je vous avoue que je voudrais presque vous savoir encore au fond de votre Touraine ; mais, sans doute, vous étiez notre idéal : pour nous consoler de ne pas vous voir, nous disions que l’idéal se rêve et ne se rencontre pas ; au lieu que maintenant, si nous allions vous perdre, nous vous