Page:Sue - Mathilde, tome 5.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

insouciant de tout, je suis devenue comme lui, insouciante de tout… j’ai laissé aller les choses comme elles ont voulu aller, dans cette maison… Tout est négligé, l’herbe pousse partout dans le jardin : comme elle poussera bientôt sur la fosse d’une pauvre vieille femme qui n’est plus bonne à rien sur la terre, puisqu’elle ne peut pas consoler son fils…

Cet abattement contrastait si fort avec la fermeté un peu âpre que j’avais toujours vue à madame Sécherin, que je fus effrayée. Cet affaiblissement moral présageait sans doute un grand affaiblissement physique. J’essayai de la rassurer en lui citant mon exemple.

— Sans doute — lui dis-je — ces deux années ont dû vous sembler cruellement longues ; mais songez que toute douleur finit par s’user… Plus les regrets de votre fils ont été violents, plus le terme de sa délivrance approche à son insu. Moi aussi, bonne mère, j’ai beaucoup souffert ; j’ai non-seulement perdu l’homme à qui j’avais voué ma vie entière, mais j’ai perdu mon enfant et avec lui la seule chance de bonheur que je pusse encore espérer… Eh bien ! à d’affreux déchirements a