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les ont éveillé en moi une crainte affreuse…

— Et quelle crainte ?

— Toute la nuit une cruelle pensée m’a poursuivie, lorsque l’agitation d’Emma est revenue avec son accès de fièvre, lorsque plusieurs fois ses regards brillants se sont attachés sur les miens… Oh !… Mathilde, il m’a semblé y voir un secret reproche.

— Mais expliquez-vous, mon amie ; je ne vous comprends pas…

— Eh bien, sans pouvoir deviner comment elle pourrait être instruite de ce fatal secret… je tremble qu’elle ne sache que je suis sa mère… Oh, Mathilde ! cette âme est si candide que pour elle ce coup serait mortel…

Je regardai madame de Richeville avec étonnement ; cette idée me frappa d’autant plus qu’elle m’expliquait les rêveries et la triste préoccupation d’Emma.

Je ne doutai pas non plus que la révélation de ce mystère ne fût fatale pour cette jeune fille, qui éprouvait une horreur insurmontable pour les actions honteuses ou criminelles. Cette angélique et précieuse ignorance avait été soigneusement entretenue par sa mère, et les