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irrésistible que prend toujours sur une jeune fille le premier homme qu’elle aime.

Au milieu de mes chagrins j’avais haï cet amour sans nom, j’en avais rougi comme d’une mauvaise action ; et pourtant en aimant ainsi mon mari, je remplissais un devoir sacré. Enfin lorsque, poussée à bout par une dernière trahison qui m’avait coûté mon enfant, j’avais échappé à l’épouvantable domination de M. de Lancry, je n’avais conservé pour lui qu’un mépris glacial…

Quelle différence, au contraire, dans les phases de mon attachement pour M. de Rochegune ! Son généreux dévouement pour moi, l’admiration que m’inspiraient ses rares qualités avaient d’abord jeté dans mon cœur, et presque à mon insu, les profondes racines de cet amour ; puis, lorsque je me retrouvai moralement libre, ce furent de nouvelles et touchantes preuves de l’affection la plus constante et la plus noble : alors à mon admiration pour lui, sentiment sévère et imposant, se joignit une amitié affectueuse et tendre… puis l’amour pur et idéal… puis enfin la passion brûlante.