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me demandais si je ne résistais pas plus par orgueil que par devoir ; je tâchais de me convaincre de cette pensée afin d’avoir un prétexte de céder aux vœux de M. de Rochegune.

Alors je rêvais avec délire à la vie qui m’attendait près de lui ; la sûreté de son caractère, son esprit, sa tendresse exquise, tout me présageait l’existence la plus fortunée.

Je reconnaissais de plus en plus la vérité des paroles de M. de Rochegune. Mon amour pour M. de Lancry avait-il été, en effet, une surprise de cœur ? je n’avais, pour ainsi dire, eu aucune raison sérieuse de l’aimer avant mon mariage. Ses dehors charmants, la grâce de son esprit m’avaient séduite. Dans mon opiniâtreté à l’épouser, malgré les sages avis de madame de Richeville et de M. de Mortagne, il y avait eu plus de parti pris, plus d’étourderie, plus de désir d’échapper à mademoiselle de Maran que de passion réfléchie ; plus tard, lorsque les torts de mon mari devinrent si odieux, je persistai à l’aimer par habitude, par héroïsme de souffrance et d’abnégation, et surtout par suite de cette influence presque