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Qui vit pour le monde et par le monde, peut le redouter ; qui vit par soi et pour soi dans la retraite, le dédaigne et le brave. Amis, orgueil, ambition, devoir, j’ai tout oublié ; je ne vis que pour une seule pensée, que pour un seul désir… vous, vous, toujours vous.

— Mais votre carrière, mais votre avenir, mais tant d’infortunés qui n’existent que par vous, mais votre pays, auquel votre voix est si souvent utile ?

M. de Rochegune haussa les épaules. — Rêveries creuses et sonores, stériles utopies que toute cette vaine politique. Quant à mes malheureux, c’est différent ; du fond de cette retraite nous veillerons sur eux, nous serons leur mystérieuse Providence : ils n’y perdront rien… Est-ce qu’un amour comme le nôtre ne suffirait pas à nous rendre généreux et bienfaisants si nous ne l’étions déjà ?… Vous me regardez avec surprise, Mathilde… vous êtes étonnée de m’entendre parler ainsi, moi naguère si jaloux de ce que je dédaigne aujourd’hui… Moi aussi je m’étonne et je m’en réjouis

— Que dites-vous ?