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maintenant sans cesse présente à mon esprit : ce serait de vivre avec vous au fond de je ne sais quelle solitude. Pour vous et pour moi les plaisirs du monde sont une vanité, Mathilde… Ah ! si vous vouliez… — Et il s’interrompit, craignant d’avoir trop dit.

Je ne le comprenais que trop ; le même désir m’était déjà venu : il fallait encore que mes lèvres continuassent de démentir ma pensée. À ces élans passionnés, dont, malgré moi, je ressentais le choc jusqu’au fond du cœur, il fallut répondre par de froides, par de sévères paroles…

— En vérité, mon ami — lui dis-je — je ne vous reconnais plus… C’est vous… vous qui me proposez de fouler aux pieds toutes les convenances, tous les devoirs ; de tromper l’amitié, la confiance de nos amis… Songez-y… de quels sarcasmes le monde ne les poursuivrait-il pas ! Les rendre complices de notre faute, les vouer à d’amères railleries parce qu’ils ont une foi aveugle en notre honneur… tenez, soyez franc et répondez… Si je consentais à fuir avec vous… que penseraient de nous