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mon cœur vaillant et hardi. Par quel phénomène inexplicable tout a-t-il changé ? Je ne le sais… Oui… cela est vrai ; hier encore, je vous le disais, au dessus du bonheur dont je jouissais près de vous, je ne voyais que la réalisation du dernier vœu de mon père. Eh bien ! en un jour, mon ambition s’est accrue jusqu’au délire ; mais cette ambition ne m’a pas fait déchoir dans ma propre estime… Elle m’a élevé…

— Que voulez-vous dire, mon ami ! ne serait-ce pas profaner notre amour que…

Il ne me laissa pas achever, et reprit d’un air grave et pénétré : — Le profaner… oh ! non, Mathilde, non ; ne voyez pas dans ce que je vais vous dire une subtilité sacrilége ou l’hypocrite excuse d’un amour coupable… Ce ne sont pas seulement les désirs passionnés de la jeunesse que je vous exprime ici… non, j’exprime encore le vœu le plus noble que Dieu ait mis au cœur de l’homme, le vœu de ce bonheur de tous les instants que l’on ne peut goûter que dans la douceur enchanteresse du foyer domestique. En un mot, vous me comprendrez, Mathilde ; en vous j’adorerais peut-être