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Je ne pus vaincre un secret sentiment de bonheur et d’orgueil en me voyant si follement aimée ; mais je rappelai bientôt mon courage : je me sentis plus forte en voyant M. de Rochegune si faible… Je me dis qu’il serait beau à moi de remonter cette grande âme à sa hauteur et de me sauver de moi et de lui. Je ne craignais mon enivrement que s’il le partageait.

Après un moment de silence, je lui répondis d’un ton affectueux mais calme et sérieux :

— Pardonnez-moi, mon ami, de vous avoir d’abord répondu légèrement ; vous me donniez une touchante preuve de confiance en me faisant cet aveu, je vous en remercie.

Et je lui tendis la main avec dignité. La réserve de mon langage le frappa ; je repris :

— Quoiqu’il y ait sans doute de l’exagération dans ce que vous m’avez dit, cela ne m’étonne pas, je m’y attendais.

— Vous, Mathilde ?

— Oui… mon ami ; souvenez-vous de notre conversation d’hier… Ne m’avez-vous pas dit : « L’intimité dont nous jouissons ne nous est acquise qu’au prix de nos sacrifices ; plus ils