Page:Sue - Mathilde, tome 5.djvu/285

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’amour platonique enfin était-il possible entre deux jeunes gens qui s’aiment avec tous les chaleureux instincts de leur âge ? Je l’espérais, je le croyais ; j’aimais mieux douter de moi que de douter des autres et de porter atteinte à une idéalité morale et consolante…

Ce qui m’effrayait, c’était la rapidité avec laquelle les mauvaises idées envahissaient mon âme ; c’était de voir quels pâles reflets elles jetaient déjà sur le calme attachement qui, la veille encore, suffisait à mon cœur.

Alors comme il me semblait terne et glacé ! avec quelle barbare ingratitude je dédaignais déjà les jours passés où j’avais goûté de si nobles jouissances !

Ce brusque changement était et est encore un problème pour moi.

J’aurais oublié mes devoirs pour M. de Rochegune — me disais-je — que ses paroles ne seraient pas plus tendres, ses prévenances plus charmantes, ses soins plus délicats, ses empressements plus vifs.

Y aurait-il donc dans une faute, dans les remords qu’elle cause un attrait fatal ? Y aurait-il dans les violentes agitations d’une conscience