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l’expression des traits de M. de Rochegune, l’inflexion de sa voix (il était placé à côté de moi à table), m’en eussent avertie.

— Mon Dieu, qu’avez-vous donc depuis tantôt ? — me dit-il d’un ton doux et triste…

Ces paroles me rappelant à moi-même, pour la première fois je compris la nécessité de feindre ; à tout hasard, quitte à trouver plus tard le moyen de justifier ma réponse, je répondis en souriant à M. de Rochegune :

— Je n’ai rien, c’est un enfantillage que je vous expliquerai ; et puis je souffre encore un peu de ma migraine, mais je sens que cela va se passer…

Rassuré par ces mots, M. de Rochegune se mêla à la conversation avec son entrain ordinaire ; je me remis tout-à-fait.

Ce qui me parut seulement singulier, ce fut de rencontrer plusieurs fois le regard d’Emma qui semblait vouloir lire jusqu’au fond de ma pensée.

D’abord, je soutins ce regard en souriant ; mais sa physionomie resta impassible comme un masque de marbre, et son coup-d’œil devint d’une fixité si pénétrante que je finis