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souffert, ce fut pour moi une cruelle révélation que celle-là.

Ceux qui ont longtemps orgueilleusement compté sur eux-mêmes, sur la solidité, sur l’élévation de leurs principes, qui les mettaient si au-dessus du vulgaire, ceux-là comprendront mon chagrin.

Je ne m’abusais pas. De même qu’il suffit d’une étincelle pour allumer un incendie, il suffit de cette impression pour m’éclairer toutà-coup sur la nature de mon amour.

Quelle serait donc ma vie désormais ?

Si j’étais assez courageuse pour résister à ce penchant ainsi devenu criminel, que de luttes, que de douleurs cachées, que de larmes brûlantes, honteuses, dévorées en silence… Quel supplice de chaque moment ne m’imposerait pas alors cette intimité jusque-là si facile ! quelle contrainte ! veiller, veiller sans cesse sur ce malheureux secret, qu’une inflexion de voix, qu’un regard pourraient trahir !

Flétrir, dénaturer par la crainte, par la réserve, cette affection jusqu’alors si confiante, si loyale et si sainte !…

Et puis, pour comble d’amertume et de mi-