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matin. Cette preuve de patience opiniâtre confirma presque mes soupçons ; j’allai donc à ce bal ; malheureusement pour ce rendez-vous, je fus pris en entrant par madame de Longpré que je ne reconnus qu’au bout d’un quart d’heure de conversation ; puis par une autre femme très gaie, très moqueuse, que je n’ai pu reconnaître, et dont le babil m’aurait beaucoup amusé, si je n’avais pas songé que peut-être j’étais attendu avec anxiété ; enfin j’arrivai devant l’horloge, deux heures et demie sonnaient.

— Eh bien ! — dis-je à M. de Rochegune en tâchant de sourire pour cacher mon anxiété.

— Eh bien ! je vis debout, au pied de l’horloge, une femme en domino de satin noir. Sa tête était baissée sur sa poitrine. Sans doute, absorbée par une méditation profonde, elle ne m’aperçut pas. Voulant voir si cette personne était bien celle que je devais rencontrer, je m’approchai d’elle et lui dis : — « Si vous attendez quelqu’un, Madame, celui-là est à la fois bien heureux et bien coupable. » — Mon domino tressaillit, releva vivement la tête, et me dit d’une voix émue : — Monsieur, je vous