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main — comment vous trouvez-vous ? hier avez-vous été courageuse !

— Courageuse ?… oui, car je n’ai pas craint de me laisser aller à tous les regrets que devait m’inspirer la pensée de l’excellent ami que nous avons perdu… Pourtant, faut-il vous l’avouer ? au milieu de mon chagrin, il m’est venu une idée presque pénible, parce qu’elle ressemblait à de l’ingratitude…

— Comment cela ?

— C’est que j’aurais peut-être pleuré davantage encore M. de Mortagne, si je ne vous avais pas connu.

— Je pourrais m’adresser le même reproche, Mathilde ; mais je me rassure : aimer ce qu’aimait notre ami, protéger ce qu’il protégeait, ce n’est pas oublier, c’est être fidèle à son souvenir ; seulement quelquefois je me dis tristement : Qu’il eût été heureux et fier de notre bonheur !

— En lui… quel défenseur nous aurions eu, mon ami !

— En avons-nous donc besoin ? notre amour n’est-il pas accepté par le monde, qui croit si peu aux sentiments purs et désintéressés ?…