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dédain. Elle passe des journées entières seule à lire ou à rêver ; sa femme de chambre, qui est à moi, me dit que sa maîtresse doit être sous l’empire d’un profond chagrin, qu’elle ne la reconnaît plus, qu’elle se promène quelquefois des heures entières dans sa chambre en marchant avec agitation ; puis qu’elle tombe, accablée, en se cachant la tête dans ses mains.

« Je la trouve en effet changée ; elle maigrit, elle perd ce coloris qui la rendait d’une fraîcheur idéale, elle perd ce léger embonpoint, qui donnait tant de charmes à sa taille élancée ; ses yeux se creusent : depuis un mois je ne l’ai pas vue rire de ce rire moqueur et hardi, à la fois si redoutable et si séduisant chez elle.

« Par je ne sais quel caprice, elle veut souvent rester dans l’obscurité la plus complète ; alors, elle refuse de recevoir personne. Lorsque j’ai vu ces symptômes de tristesse dont j’ignorais la cause, j’espérais que le chagrin détendrait peut-être ce caractère inflexible. Heureuse et gaie, j’avais prodigué l’or pour satisfaire ses moindres caprices ; mélancolique et chagrine, j’aurais voulu lui offrir pour