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cheval et moi aussi. Le sang m’a monté au visage ; j’espérais qu’il ne me saluerait pas, et peut-être aurais-je été assez fou pour lui chercher querelle. Malédiction ! il m’a salué ; mais son salut a été un de ces outrages sans nom, sans forme, qu’on ressent jusqu’au vif, et dont on ne peut se plaindre : il m’a semblé lire sur ses traits durs et impassibles, dans son regard sévère et perçant, qu’en moi il saluait l’homme dont madame de Lancry portait le nom, ou qu’il saluait peut-être le mari de sa maîtresse ; car, après tout, je suis bien sot de croire à la vertu de ma femme ! Mais encore non, non, malgré moi, je voudrais la croire coupable quelquefois ; il me semble que je respirerais plus à l’aise… que mes torts me seraient moins odieux, mais je ne puis compter sur ses faiblesses : elle n’aura jamais l’énergie de commettre une faute, elle saura pleurer, gémir, mais se venger… jamais. Tantôt y réfléchissant j’aime mieux croire à sa vertu : quoique je n’aie aucun amour pour elle, il me serait peut-être plus pénible que je ne le pense de la savoir coupable, ce serait une blessure de plus à mon amour-propre.