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fou de rage et de honte. Voici maintenant que le monde s’imagine de moraliser et de me mettre au ban de certaines coteries prudes et revêches.

« Je me serais complètement moqué de ces vertueuses philippiques si elles n’avaient pas eu quelque réaction sur cette femme qui semble née pour mon malheur, et que je ne puis, néanmoins, m’empêcher d’aimer plus follement que jamais.

« Quand vous lirez ceci au fond de vos bruyères sauvages, vous vous demanderez, j’en suis sûr, si nous revenons au temps des Amadis et des Galaor.

« Je ne sais si vous avez autrefois rencontré dans le monde un marquis de Rochegune homme assez original, fort riche, aussi philanthrope que l’était son père, bizarrement romanesque, allant en chevalier errant guerroyer çà et là ; brave d’ailleurs, ne manquant pas d’esprit, et parlant à la chambre des pairs, aujourd’hui contre ses amis, demain pour ses ennemis, si amis ou ennemis heurtent ses principes. Du reste homme sans élégance, ne sachant ni jouir ni se faire honneur de sa fortune, car