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a désarmé celles qui pouvaient me supposer encore quelques prétentions. Je reste chez moi tous les soirs, et il me faut être vraiment inflexible pour ne pas voir mon petit salon envahi ; on y parle souvent de vous : la conduite de votre mari est si scandaleuse, cette horrible femme est si effrontée, votre résignation est si digne, si courageuse, qu’il n’y a qu’une voix pour vous plaindre et pour vous admirer.

« La révolution a bouleversé, scindé la société ; il n’y a plus, pour ainsi dire, que de petits cercles, aucune grande maison n’est ouverte : c’est moins par bouderie contre le gouvernement, dont on s’inquiète assez peu, que par impossibilité de réunir ces fractions diverses.

« Sous la Restauration, la cour, ses devoirs, ses relations, ses ambitions, ses intrigues étaient les liens qui rendaient notre monde homogène ; maintenant rien n’oblige, chacun s’isole selon son goût, ses penchants, et les coteries se forment. Les ambassades de Sardaigne et d’Autriche sont les seuls centres où se réunissent encore ces fragments épars de notre ancienne société.