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le terme que ses malveillantes insinuations oseraient à peine indiquer.

Après avoir un moment réfléchi, je dis à M. de Rochegune :

— Je vais vous donner une preuve de franchise et de confiance en vous faisant une question étrange : il y a trois ans, pourquoi ne m’avez-vous pas parlé ainsi ?

— Parce qu’il y a trois ans, j’étais plus jeune, et pas assez sûr de moi pour oser vous parler ainsi. Mortagne savait mon amour ; il me conseilla fortement de quitter la France, de voyager, d’utiliser ma vie en servant une noble cause, jusqu’à ce que j’eusse acquis assez d’empire sur moi-même pour dégager l’or de ses scories, disait-il, pour épurer tellement cet amour que je pusse venir vous l’offrir sans rougir.

— Et si en arrivant vous m’eussiez trouvée consolée de l’abandon de mon mari et aimant dignement un cœur digne du mien…

— Les sentiments élevés et désintéressés sont à l’épreuve des durs mécomptes, si douloureux à l’amour-propre ; dans une circonstance pareille, je vous aurais dit ce que je