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— Vous avez pris l’épuisement de la douleur pour l’anéantissement du cœur !… Est-ce que le cœur s’anéantit ? Est-ce qu’on renonce à toute espérance quand on n’a rien à regretter ?…

— Rien à regretter Monsieur…

— Non, vous avez beaucoup à déplorer, mais heureusement vous n’avez rien à regretter ; aussi l’avenir vous reste-t-il tout entier avec ses horizons sans bornes…

— L’avenir…

— Sans doute l’avenir, pourquoi non ? Qui vous le ferme ? Dites-moi qu’une passion noble, grande, profonde, généreusement partagée, mais brusquement brisée par un événement surhumain, laisse dans l’âme des regrets éternels, et la ferme à toute espérance, je vous croirai. Oui, ces regrets seront éternels, parce que leur cause sera pure ; éternels, parce qu’au lieu de les étouffer on les entretiendra pieusement ; éternels, parce qu’on y trouvera l’amère volupté que donne la conscience d’une douleur inconsolable, parce que le bonheur qu’on a perdu est irréparable. Mais cette pieuse fidélité au culte du passé prouvera-t-elle que l’a-