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Je n’aimerai plus… Une fatale… mais violente passion a tué l’amour dans mon cœur.

— Tué l’amour dans votre cœur ! — s’écria-t-il — mais vous n’avez jamais aimé…

— Je n’ai jamais aimé ?…

— Jamais.

— Voyons, monsieur de Rochegune, parlons-nous sérieusement, ou bien nous livrons-nous aux folies paradoxales de madame de Semur ?

— Je parle sérieusement, je vous le répète, vous n’avez jamais aimé.

— Mais, Monsieur…

— Mais, Madame… Dieu ne veut pas qu’il dépende du premier misérable venu d’allumer ou d’éteindre à jamais dans un cœur tel que le vôtre le plus divin de tous les sentiments, celui qui demande l’emploi des plus rares, des plus magnifiques facultés de l’âme !

Je regardai M. de Rochegune avec étonnement, et je repris :

— Comment… je n’ai pas aimé ! Mais qu’ai-je donc éprouvé, alors ? Pourquoi cet anéantissement du cœur ? pourquoi cette mort de toutes mes espérances ?