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aux sentiments qu’il aurait pu éprouver pour moi.

Peu de temps après la nuit fatale de la maison isolée de M. Lugarto, il était parti pour la Grèce ; de là il était allé en Russie. Pendant cette campagne meurtrière, il avait rendu une espèce de culte à mon nom, à mon souvenir, ignorant alors s’il me reverrait un jour. Pouvais-je me blesser de cette preuve à la fois généreuse et bizarre de son attachement ?

Je me rassurai donc d’autant plus facilement sur l’amour dont j’avais un instant soupçonné M. de Rochegune, que je croyais n’avoir pour lui aucun tendre penchant. J’admirais ses rares facultés, son noble caractère ; je lui avais récemment découvert de nouveaux agréments. J’étais sincèrement reconnaissante des services qu’il m’avait rendus ; mais je ressentais toujours l’immense différence qui existait entre mon affectueuse amitié pour lui et l’amour que j’avais autrefois éprouvé pour M. de Lancry.

Habituée que j’étais à analyser mes plus fugitives impressions, je me demandai s’il ne m’était pas pénible de songer qu’à vingt ans je