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ignorant si elle était amie ou ennemie, mais préférant la mort à son horrible position, il appela de toutes ses forces quelques cavaliers éclaireurs qui par bonheur passèrent près de lui ; ils l’entendirent, s’approchèrent : il fut sauvé. Ces cavaliers appartenaient à un corps de cosaques du Don que le mouvement de la bataille avait placé momentanément à l’arrière-garde de l’armée ; ces cosaques irréguliers, aussi farouches que leurs chevaux sauvages, obéissaient aveuglément au vieil hetman qui les commandait. Rochegune fut conduit à ce chef de horde, qui le prit en croupe après avoir pansé ses blessures. Cet hetman était, me dit l’aide-de-camp, une espèce de patriarche guerrier, d’un courage et d’une physionomie dignes de l’antiquité. Rochegune lui devait la vie ; il contracta de ce jour avec lui une amitié de frère d’armes, quitta l’état-major de l’armée où il aurait enduré beaucoup moins de privations, et partagea désormais l’existence aventureuse et pénible des cavaliers de l’hetman, qui servaient d’éclaireurs et d’enfants perdus à l’armée, ne reposaient jamais sous une tente, couchaient sur la terre ou sur la neige. Ce