Page:Sue - Mathilde, tome 5.djvu/122

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Après le départ de M. de Senneville, Ursule avait brusquement repris sa lorgnette d’un air contrarié, sans donner un regard à M. de Lancry, elle lorgnait impitoyablement tous les points de la salle. Par deux fois mon mari lui parla, elle ne l’entendit pas ou feignit de ne pas l’entendre ; il fallut qu’il lui touchât légèrement le bras pour qu’elle parût s’apercevoir de sa présence. Elle lui donna la main avec distraction, lui répondit à peine quelques mots et se remit à lorgner.

M. de Lancry ne put réprimer un mouvement d’impatience et de colère et se remit à causer avec le chargé d’affaires de Saxe et avec mademoiselle de Maran.

Le matin, grâce à la rapidité de la course d’Ursule, j’avais à peine entrevu M. de Lancry. Je le regardai plus à loisir : sa figure amaigrie, fatiguée révélait les chagrins, les jalousies que sa lettre m’avait fait connaître ; ce n’était plus comme autrefois un homme brillant et léger parce qu’il n’aimait pas, moqueur et hardi parce qu’il était sûr de plaire et de dominer, il était alors sombre et inquiet,