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frir passagèrement d’une peine de cœur, eux dont les facultés aimantes sont bien moins développées que les nôtres, car on l’a dit cent fois — ce qui est toute notre existence est une distraction pour eux.

Malgré les odieux procédés de mon mari envers moi, je ne comprenais pas que la trahison pût autoriser ni excuser la trahison. Je pensais ainsi non par respect pour M. de Lancry, mais par respect pour moi.

Je sentais qu’au point de vue du monde, j’aurais peut-être eu tous les droits possibles à chercher des dédommagements dans un amour coupable ; mais lors même que rien ne m’eût paru plus vulgaire, plus dégradant que cette sorte de vengeance, je croyais la source de toute affection tendre absolument tarie en moi.

J’étais quelquefois effrayée des mouvements de haine, de méchanceté qui m’agitaient. Le souvenir d’Ursule me faisait horreur, parfois il soulevait dans mon âme de folles ardeurs de vengeance…

Encore une de ces bizarreries fatales de notre condition ! Un homme peut assouvir sa fureur sur son ennemi, le provoquer, le tuer