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vous en faire… vous perdez un cœur tel que le mien… je le dis sans vanité, vous êtes assez puni… je n’ai ni à espérer ni a craindre que maintenant mes sentiments pour vous changent de nature. Je me connais assez pour voir que, malheureusement, je ne dois rien éprouver à demi ; la sagesse eut été peut-être de vous aimer moins violemment et de ne pas vous désaimer si vite, je le sais, mais je suis ainsi. On ne peut rien contre la désaffection : je ne l’explique pas, je la ressens. Sans doute mon amour pour vous était depuis longtemps et à mon insu miné par mes larmes, il a suffi d’une violente secousse pour le déraciner tout à fait : votre lettre à Ursule m’a invinciblement prouvé que tout espoir était à jamais perdu pour moi, mon amour a dû se briser, se perdre contre une impossibilité. Tout ce que je sais, c’est qu’à mesure que je lisais cette lettre un refroidissement lent mais profond, mais presque physique, paralysait mon cœur. Une comparaison vous rendra ce que j’éprouvais : ce n’était pas une tourmente impétueuse qui confondait, qui heurtait en moi les passions les plus contraires, comme l’orage