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moins cruel pour moi… si je m’étais conduite autrement.

— Que voulez-vous dire ?

— Cela va vous sembler étrange… mais le résultat de mes réflexions a été presque de m’accuser et de vous absoudre.

— M’absoudre… moi !

— Vous absoudre, vous… Je ne m’abuse plus, Gontran, je n’ai jamais été pour vous une noble compagne, ayant la conscience de sa dignité et un caractère assez ferme pour se faire respecter ; j’ai été votre lâche esclave, et je n’ai eu que les qualités négatives de l’esclave, la soumission aveugle, la résignation stupide, la patience inerte. En me voyant ainsi, vous avez dû me traiter comme vous m’avez traitée, et n’avoir pour moi ni merci, ni pitié.

— Je ne sais dans quel but vous voulez m’innocenter ainsi ? — dit Gontran en me regardant avec défiance.

— Je pourrais vous dire que c’est pour vous rendre moins cruel l’aveu qui me reste à vous faire, mais je mentirais : si je ne désire pas vous blesser sans raison, je m’inquiète assez peu maintenant que vous souffriez ou non de ce que je dois vous dire.