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puisque M. de Lugarto a envoyé un bon à M. le vicomte, et que ce bon s’est perdu… c’est toujours la même chose. À qui cela fait-il du tort qu’on en fasse un autre ? »

Votre cher Gontran, après quelques scrupules de conscience, se rendit à cette belle rhétorique de faussaire ; une heure après, il présentait à mon banquier un faux bon de moi… Mais ceci vous réveille… — ajouta M. Lugarto en voyant que je me relevais par un effort presque désespéré.

— Vous mentez… vous mentez — m’écriai-je d’une voix affaiblie — Gontran est incapable d’une telle infamie…

Presque épuisée par ce mouvement, je retombai dans mon fauteuil.

De ce moment j’éprouvai une sorte d’hallucination étrange à mesure que M. Lugarto parlait ; il me sembla voir son récit en action, les personnages qu’il évoquait apparaissaient et disparaissaient à ma vue, comme dans un rêve, avec la rapidité de la pensée.

— Je mens si peu en accusant Lancry d’être un faussaire — reprit M. Lugarto en me montrant un papier — que le faux, le voilà.