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— Il faut que l’enfer s’en mêle : cet amour a tourné en folie : elle est maintenant incurable.

— Oui… oh ! oui… vous l’avez dit, Mademoiselle, c’est une folie, une sainte, une noble folie du moins que celle-là ! Elle concentre toutes les forces de mon esprit, toute la puissance de mon âme sur Gontran. Ce qui n’est pas lui n’existe pas pour moi… vivre de sa vie si dure, si pénible, si humiliante qu’elle soit… c’est mon seul vœu : vous avez raison, je suis folle. Qu’est-ce que la folie, sinon un sentiment exagéré aux dépens de tous les autres ? Eh bien ! oui… je suis folle… comme les folles j’ai de ces souvenirs chéris, adorés, enivrants, qui viennent à chaque instant luire à mon esprit, me transporter dans un monde idéal ; ces souvenirs sont ceux des jours ineffables que j’ai passés près de lui, alors que j’étais si fière d’être belle et jeune, parce qu’il aimait ma jeunesse et ma beauté.

— Mais à cette heure il en est las et rassasié de votre beauté ; quant à votre jeunesse, bel avantage !… Vous n’en aurez que plus longtemps à souffrir.