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révoltais, je disais aux méchantes langues : Vous seriez furieusement interloqués, tous tant que vous êtes, si vous saviez le pourquoi et le comment du goût de cette petite vicomtesse de Lancry pour M. Lugarto… il y a dans cette jeune femme-là, voyez-vous, une manière d’abnégation courageuse, dans le goût des femmes héroïques de l’antiquité, quelque chose comme une mixture de Portia et de la mère des Gracques… mais c’est vrai ce que je vous dis là… À vous voir à cette heure si calme, est-ce qu’on pourrait seulement penser que votre mari vous rend la plus malheureuse des femmes, et qu’à tort ou à raison votre réputation et la sienne sont à jamais perdues ? Ah ça, mais dites-moi donc, maintenant j’y pense… si c’est à tort qu’on vous accuse, comme ça doit être affreux pour vous ?

— Écoutez, Madame, — dis-je à mademoiselle de Maran avec un sang-froid qui la confondit, — Vous êtes venue ici pour jouir de votre triomphe, pour voir si vos prévisions s’étaient bien accomplies, si la jeune femme était aussi malheureuse que la jeune fille, que l’enfant l’avait été… n’est-ce pas, Madame ?