Page:Sue - Mathilde, tome 2.djvu/354

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je vis avec frayeur la figure de Madame, d’une expression ordinairement si bienveillante, se rembrunir tout-à-coup et devenir hautaine et sévère.

Malgré son assurance, M. de Lancry tressaillit légèrement. À peine avait-il salué Madame, que S. A. R., après avoir regardé mon mari avec un mélange de dédain glacial et de fierté révoltée, comme si elle eût été indignée que nous eussions osé nous présenter devant elle, nous tourna le dos sans lui dire un mot.

M. de Lancry devint pâle de douleur et de rage. Il me fit tellement pitié que j’eus la force de surmonter mes ressentiments. Je lui dis d’une voix ferme :

— Mon ami, pardonnez à Madame. Elle, toujours si bonne, si généreuse, aura été involontairement surprise par les calomnies du monde… Venez, venez… Pas un mot de ceci à M. Lugarto ; ne donnons pas ce nouveau triomphe à sa méchanceté.

J’entraînai presque M. de Lancry.

Un grand nombre de personnes curieuses de voir Madame l’avaient suivie ; nous pûmes cacher notre confusion dans la foule, et re-