Page:Sue - Mathilde, tome 2.djvu/291

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pensive ; il continua d’une voix légèrement altérée, malgré les visibles efforts qu’il faisait pour vaincre son émotion.

— Le projet favori de M. de Mortagne et de mon père avait été d’obtenir votre main pour moi, Madame.

— Monsieur, à quoi bon ces souvenirs… je vous prie ?…

— Pardonnez-moi de vous parler d’un passé, de projets qui vous intéressent si peu, Madame ; mais, j’ai eu l’honneur de vous le dire, c’est indispensable. J’avais souvent entendu M. de Mortagne, avant son funeste voyage pour l’Italie, dire à mon père combien votre enfance était malheureuse, malgré les rares qualités qui s’annonçaient en vous. Le récit des mauvais traitements que vous faisait subir mademoiselle de Maran excita plusieurs fois la généreuse indignation de mon père. J’étais bien jeune, mais je n’oublierai jamais quel intérêt votre position m’inspirait. J’avais jusqu’alors habité avec mon père une de ses terres ; c’est vous dire, Madame, que j’avais eu toujours sous les yeux l’exemple des plus nobles vertus. En entendant M. de Mortagne raconter