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Voilà le terrible mot prononcé… Oui, hier Lugarto m’a retenu à dîner chez lui avec quelques amis communs : on a porté je ne sais combien de toasts à mon bonheur, à votre beauté ; je n’ai pas pu, je n’ai pas voulu refuser. Depuis que j’ai quitté la vie de garçon, j’ai, Dieu merci perdu l’habitude de ces dîners britanniques ; aussi oserai-je vous faire cet abominable aveu : je me suis grisé en pensant à vous ! Vous voyez que je n’ai fait que changer d’ivresse… Mais, hélas ! la première est aussi belle que l’autre est honteuse… Encore une fois me pardonnez-vous ?

— Comment ? Ces reproches que vous m’avez faits hier en rentrant…

— Quels reproches ?

— Vous m’avez dit que mes épigrammes et celles de ma tante avaient irrité M. Lugarto au dernier point ; que sa vengeance pouvait être terrible, et que…

M. de Lancry partit d’un éclat de rire si franc que je crus à sa sincérité.

— Malheureux Lugarto ! — répéta-t-il ; — j’en ai fait un ogre, je le vois… Pauvre Mathilde ! je rirais davantage encore, si je ne