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sans bonté, habitué à mépriser souverainement les hommes, car presque tous ont bassement flatté sa fortune. Tour à tour d’une prodigalité folle et d’une avarice sordide, ses dépenses n’ont qu’un mobile, l’orgueil ; qu’un but, l’ostentation. Le procureur le plus retors ne sait pas mieux les affaires que lui ; seul, il gère son immense fortune avec une sagacité, avec une habileté incroyables, et il s’enrichit encore chaque jour par les spéculations les moins honorables. Portrait fidèle de son père, l’ignoble rapacité de l’esclave lutte encore chez lui contre la ridicule vanité de l’affranchi ; tout prouve cette double nature : son luxe sévèrement réglé, son faste retentissant, mais parcimonieux ; tout, jusqu’à ses bruyantes aumônes faites insoucieusement et sans l’intelligence du malheur qu’il secourt, mais qu’il ne plaint pas… Deux plaies incurables empoisonnent pourtant l’opulence impériale de Lugarto, la bassesse de son extraction et la conscience du peu qu’il vaut personnellement. Aussi, par un compromis qui ne trompe que lui, il est affublé du titre de comte, et s’est fait fabriquer je ne sais