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de Lugarto ; au moins vous le connaîtrez lorsque je vous présenterai. Lugarto a vingt-deux ou vingt-trois ans à peine : il est d’origine brésilienne. Son père, fils d’un esclave sang mêlé, avait été affranchi dès son enfance. Ce père, d’abord intendant d’un grand seigneur portugais, géra si bien ou si mal la fortune de son maître, qu’il le ruina complètement, et qu’il acquit une grande partie de ses biens. Telle fut l’origine d’une fortune d’abord considérable, puis enfin colossale ; car des entreprises et des concessions de mines dans l’Amérique du Sud augmentèrent tellement ses biens, qu’à sa mort M. Lugarto laissa à son fils plus de soixante millions.

M. Lugarto père avait vécu aux colonies avec le faste et la dépravation d’un satrape. Profondément corrompu, affichant un cynisme révoltant, aussi lâche que méchant, il avait, dit-on, dans un accès de colère féroce, tellement maltraité sa femme, qu’elle était morte des suites de ces violences.

— Mais c’était un monstre qu’un pareil homme ! — m’écriai-je. Quel triste et cruel héritage qu’une telle mémoire !… Son fils