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« Château de Maran, 13 avril 1838.

« Je ne sais pas, mon ami, si d’ici à bien long-temps vous aurez le courage d’ouvrir cette lettre.

« J’ai connu… j’ai aimé, oh ! j’ai bien aimé celle que vous pleurez ; je connais votre cœur, votre caractère ; je sais ce que vous étiez pour elle, je sais ce qu’elle était pour vous : comment ne sentirais-je pas que votre désespoir est à tout jamais incurable ?

« Mon ami, mon frère, vous n’avez plus ici-bas de cœur plus dévoué que le mien… Je n’ai jamais eu d’autre ami que vous… Vous le savez… si j’avais plus souvent écouté la voix sévère, inflexible, de votre sainte amitié, que de regrets amers j’aurais évités ! Mais, dans cette lettre, ne parlons pas de moi… mais de vous, de vous… noble et grand cœur ; de vous, l’idéal de la bonté humaine.

« Vous souffrez, mon ami ! vous souffrez d’un chagrin désespéré ! Plus vous creusez cet abîme, plus il devient profond, plus ses ténèbres augmentent !

« Il y a un an, lorsque j’ai su l’épouvantable