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— De grâce, ne plaisantez pas, Mathilde, — répondit Gontran. — Eh bien, oui ! j’ai joué !… j’ai joué pendant quelque temps avec fureur ; oui !… là j’ai cherché des émotions que je ne trouvais plus ailleurs… Indigné de l’effronterie de certains amours, effrayé des remords dont j’étais cause… n’ayant rien qui m’attachât à la vie… n’ayant d’autre avenir que le lendemain, sentant mon cœur engourdi, rougissant de moi et des autres, désespérant de jamais rencontrer le bonheur que je rêvais, n’aimant rien, ne regrettant rien, je me jetai dans le gouffre du hasard… Mais les agitations stériles du jeu, ses angoisses et ses espérances sordides me lassèrent bientôt… Jouant pour m’étourdir, et non pas pour gagner, je perdis beaucoup… et ma fortune s’en ressentit… elle était déjà obérée par d’assez grandes dépenses que j’avais été obligé de faire pour tenir dignement mon rang à l’ambassade où j’avais été attaché ; néanmoins je possède encore à cette heure…

— Ah ! pas un mot de plus ! — m’écriai-je, d’un ton de reproche. — Pouvez-vous parler ainsi ? Croyez-vous que je me sois un instant