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Les raisonnements de Gontran devaient m’impressionner profondément. Quelle femme aimant déjà avec passion ne croirait pas aveuglément l’homme qui lui dit : « Je vous aime, je vous aimerai d’autant plus que j’ai dédaigné, que j’ai outragé davantage tout ce qui n’était pas vous. » Dites, mon ami, est-il un paradoxe plus dangereux ? n’est-ce pas avec une fatale adresse, ou plutôt avec une profonde connaissance du cœur humain, faire une sorte de piédestal de toutes les trahisons dont on s’est rendu coupable pour y placer la nouvelle divinité qu’on adore ?

Le paradoxe enfin n’est-il pas plus dangereux encore lorsque la femme qu’on exalte ainsi a la conscience de ne ressembler en rien aux femmes qu’on lui a sacrifiées ? N’étais-je pas dans cette position à l’égard de Gontran ?

Hélas ! était-ce un si méchant orgueil que de croire mon dévoûment, mon amour pour lui supérieurs à tous les autres amours, à tous les dévoûments qu’il avait rencontrés ?

Gontran me paraissait si complètement dis-