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Elle prit ma main que je n’eus pas le courage de retirer, et elle me dit avec un accent de tristesse profonde :

— C’en est fait, Mathilde, il n’y a plus d’espoir… vous êtes victime d’un sophisme qui m’a perdue… qui a perdu bien des femmes… Moi aussi, lorsque j’ai aimé M. de Lancry, je me suis dit : Ne suis-je pas plus belle, plus séduisante que mes rivales ?… Elles n’ont pu fixer ce cœur inconstant, dompter ce cœur altier et dédaigneux qui se joue des sentiments les plus dévoués… moi j’y réussirai. Hélas ! Mathilde, je vous ai dit ma honte et mon outrage. Maintenant, ne croyez pas que je veuille un instant me comparer à vous, que je pense l’emporter sur le charme de votre personne, sur ce rare assemblage de qualités aimables qui vous distinguent. C’est ce charme, ce sont ces qualités que j’avais presque devinées, qui m’ont encore rendue plus jalouse de servir la protégée de M. de Mortagne… Sans mesurer la portée de vos paroles, pauvre enfant, tout-à-l’heure vous m’avez fait bien cruellement ressentir la différence qui existait entre l’amour que j’avais pu offrir à M. de Lancry et