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— C’est trop, Madame ! — m’écriai-je dans un accès d’orgueil révolté ; — suis-je donc après tout si mal ou si peu douée, que M. de Lancry en recherchant ma main n’ait en vue que ma fortune ? Parce qu’il vous a trompée, odieusement trompée, je le veux, est-ce une raison pour qu’il n’apprécie pas un cœur qui se donne à lui avec ivresse ? Et qui vous dit, Madame, que vous l’ayez aimé comme il méritait d’être aimé ? Et qui vous dit que toutes les femmes qu’il a aussi indignement trompées l’aient aimé autant que moi ? Et qui vous dit, Madame, que ce n’est pas parce que son âme est généreuse et grande qu’il sait mesurer toute la distance qui existe entre une liaison coupable et un amour sacré aux yeux de Dieu et des hommes ? Et de quel droit lui reprochez-vous une lâcheté… vous qui avez commis une grande faute ? Et de quel droit venez-vous comparer votre amour au mien ?

— Ô mon Dieu, mon Dieu ! entendre cela, — dit madame de Richeville en cachant sa figure dans ses mains avec une expression de douleur et d’humilité qui m’eût frappée si je m’étais sentie moins indignée ; mais, hélas !