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plus désolée des femmes… Puissiez-vous, Mathilde, ne jamais sentir combien la souffrance nous rend faibles ; puissiez-vous n’être jamais malheureuse pour ne pas connaître le charme dangereux d’une voix amie qui nous console et qui nous plaint. Je crus aux protestations de M. de Lancry, je l’aimai avec sincérité, avec dévoûment ; j’étais pour lui la meilleure, la plus tendre des amies, je vivais presque dans la retraite, cherchant à prévenir toutes ses pensées, tous ses désirs. Un jour je ne le vois pas venir chez moi, je m’inquiète, j’envoie chez lui… Il était parti le matin pour Londres sans m’écrire un mot, et laissant au monde le soin de m’apprendre qu’il allait rejoindre en Angleterre je ne sais quelle fille de théâtre qu’il m’avait donnée depuis quelques jours pour rivale. Cette conduite était si brutale, si lâche, que ma colère tomba sur moi-même. Je m’indignai d’avoir été la dupe de cet homme. À mon grand étonnement, l’indifférence la plus absolue, la plus dédaigneuse, succéda à un sentiment que la veille je croyais indestructible. Il est des outrages si méprisables, qu’ils n’inspirent pas