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rendait si séduisant ? Je vous ai dit combien était triste et monotone la vie que je menais chez mademoiselle de Maran. Dès que M. de Lancry vécut dans notre intimité, tout changea : l’espoir, le plaisir de le voir, le désir de lui plaire, la crainte de n’y pas réussir, les ressouvenirs qui succédaient à son absence, les longues rêveries, enfin les mille anxiétés mystérieuses de la passion me jetaient dans un trouble continu, et le temps s’écoulait avec une incroyable rapidité.

Je l’aimais… et j’étais tour à tour bien heureuse et bien malheureuse de cet amour…

J’étais heureuse lorsque dans mes rares accès de croyance en moi, dans mes jours d’orgueil de jeunesse, d’orgueil de beauté, d’orgueil de cœur, je me demandais si Gontran trouverait dans une autre les garanties de bonheur que je croyais posséder et que je pouvais lui offrir, s’il demandait ma main…

J’étais malheureuse, oh ! bien malheureuse, lorsque doutant de moi, de ma beauté, doutant presque de mon cœur, je n’osais croire que Gontran pût m’aimer ; je me persuadais