Page:Sue - Mathilde, tome 1.djvu/223

Cette page a été validée par deux contributeurs.

temps à autre en levant vers le ciel un regard voilé.

— Ursule, Ursule, ma sœur, — lui dis-je en l’embrassant avec tendresse, — je t’en supplie, reprends courage, n’aie pas de ces frayeurs ; ne suis-je pas avec toi ? comme toi ignorante de ce monde où nous allons ? et dont, comme deux enfants, nous nous épouvantons, j’en suis sûre. On ne fera pas attention à nous, peu à peu nous nous y habituerons. Toujours à côté l’une de l’autre, ce sera pour nous un bonheur que de nous confier nos observations. Eh bien ? si pour la première fois nous sommes gauches, embarrassées, nous trouverons bien, à notre tour, quelque confidence maligne à nous faire.

Ursule sourit, et me répondit en serrant tendrement mes mains dans les siennes :

— Pardonne-moi, Mathilde, mais je ne puis te dire mon effroi du monde… Jamais… je le sens, je ne pourrai m’y habituer ; cela n’est pas enfantillage, c’est conscience, c’est devoir. Quand on est comme moi pauvre et sans agrément, on ne se met pas en évidence, on reste à l’ombre, on ne va pas au-devant des dédains…