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à son égard furent à jamais étouffés. Je redevins pour elle ce que j’avais été autrefois, au grand chagrin de mademoiselle de Maran, qui avait un instant espéré de me priver de cette affection si sincère et si dévouée.

Peu de temps après, ma tante m’apprit qu’Ursule d’Orbeval, ma cousine et la fille de mon tuteur, allait enfin venir habiter avec nous, ajoutant — que j’étais beaucoup plus jolie, beaucoup plus instruite, beaucoup mieux mise qu’elle, et que par conséquent j’aurais infiniment de plaisir à lui faire ressentir toutes mes supériorités.

Ainsi, mademoiselle de Maran ne me laissait pas un sentiment dans sa pureté, dans sa fleur ! Déjà cette joie douce et candide de trouver une amie de mon âge était flétrie par l’arrière-pensée de lui inspirer de la jalousie, de l’envie et nécessairement de la haine !

Ma tante, avec une singulière sagacité, avait pour ainsi dire fait deux parts de ma jeunesse : jusqu’à neuf ans, j’avais eu à souffrir de la terreur, des privations, de l’abandon ; je n’étais pas encore mûre pour d’autres projets.